Af-Franck lidar Consulting

C’est quoi la haute performance ?

Le jeudi 21 septembre 2023 l’équipe de France de rugby bat la Namibie 96 à 0. C’est un record. Une haute performance comme l’équipe de France n’en a jamais eu en coupe du monde. Mais est-ce si sûr ?

Dans le même match, à la quarante-cinquième minute, un coup de boule à la tête, porté par un joueur faisant partie d’une équipe namibienne de seconde catégorie, envoie au tapis Antoine Dupont, le meilleur joueur au monde.

Pour beaucoup, avec la mise hors service du capitaine des bleus, ce sont les espoirs de gagner la coupe du monde qui s’envolent. Où est dés lors la haute performance ?

Dans cet exemple qui peut être élargi à bien d’autres situations, un objectif quantitatif ambitieux a été plus qu’atteint, mais au prix d’une forte dégradation de l’outil qui l’a permis. D’où la question : c’est quoi la haute performance ?

 

Définitions de la Haute Performance

Les définitions de la Haute Performance ne manquent pas. On dirait même que c’est le thème privilégié des gourous du moment en management.

 

La haute performance, réalisation des objectifs au-delà des attentes

Si on les suit, il y a Haute Performance quand on dépasse les objectifs, en ajoutant, la phrase choc qui se veut décisive, « au-delà des attentes ». C’est simple et beau comme un jour sans pluie, non ? C’est ce qu’a fait l’équipe de France de rugby le 21 septembre 2023. C’est qu’ont fait aussi les ingénieurs ayant construit le Titanic. Tout le monde connaît la suite de l’histoire.

On peut trouver sans peine d’autres exemples du même type. Dans les journaux ou dans son expérience personnelle. D’où la nécessité d’enrichir un peu la définition, si on ne veut pas prendre le risque d’aller, à son tour, droit sur un iceberg et d’y faire naufrage.

Ce qui, avouons-le, serait ennuyeux, alors qu’on vient à peine de commencer le tour de la question.

 

La haute performance, un état d’esprit pour faire plus

Une autre définition, un peu plus sophistiquée, consiste à dire que la haute performance est affaire de culture. Autrement dit, c’est un état d’esprit qui doit se traduire, notamment, en créativité, en productivité et en engagement.

Certes, certes, mais à y regarder de près, on se rend vite compte que le mot-clé dans cette définition est le mot productivité. Les deux autres, la créativité et l’engagement n’étant là, en réalité, que pour faire diversion.

Et quand on parle de productivité, on parle, bien sûr, de réalisation d’objectifs. Ou pas. C’est là la nouveauté subséquente, quasi subliminale de cette nouvelle définition, plus riche. Car la productivité peut être égale à 0. N’est-ce pas ?

En somme, une sorte de Haute Performance en creux, comme à l’envers ! En bref, négative, mais toujours une référence. Oui, oui, ça existe ! Et même on ne parle la plupart du temps que de celle-là.

Horresco referens, les objectifs ne sont pas atteints ! ça y est, vous voyez de quoi on parle ?

Que celui ou celle qui est capable de parler de productivité sans chiffres se lève et développe son point de vue. Nous sommes tout ouïe et prêt à tout noter comme un apôtre.

Est-ce à dire qu’il n’y a pas d’autre voie que celle balisée par les nombres pour parler de haute performance ? Avant d’aller plus loin, il convient de faire un petit détour par la crise de l’autorité qui semble se propager à vitesse grand V dans les entreprises.

 

Y a-t-il une crise de l’autorité dans les entreprises ?

On le dit et le répète. De plus en plus. L’autorité en entreprise, ce n’est plus ce que c’était. A quoi le voit-on ? Aux comportements des jeunes entrants. Pour commencer.

 

Les mauvaises habitudes de la génération Y

A se demander si ces nouveaux entrants, appartenant principalement à la génération Y, c’est-à- dire à la génération née entre 1980 et 2000, ont réussi leur passage de l’âge adolescent à l’âge adulte.

Ce n’est pas pour rien que les anglo- saxons préfèrent dire génération why plutôt que génération Y. Nul besoin ici de s’attarder sur les causes, on en a une vague idée.

 

Les effets d’une crise générale de l’autorité

S’il n’y avait qu’eux, on ne parlerait pas de crise de l’autorité dans l’entreprise. En effet, la crise de l’autorité dans l’entreprise n’est qu’un aspect d’une crise qui touche le principe même d’autorité, dans tous les domaines.

L’autorité est ainsi battue ne brèche comme jamais et les personnes habituellement détentrices de l’autorité ont désormais bien du mal à se faire entendre, à défaut, d’être suivies.

Faisons-en une liste sommaire, comme ça, pour voir. On peut dire ainsi que ça va mal pour l’autorité :

  • A l’école.
  • Dans les familles.
  • Dans les services publics, entre autres, de la santé, de la magistrature ou de la police.
  • Mais aussi, dans les églises.
  • Et bien sûr, dans l’autorité politique, elle-même, à tout niveaux

Pourquoi les choses en iraient-elles différemment dans les entreprises ?

 

Tendance de plus en plus affirmée à l’opting out

Mais, ça c’est nouveau et on peine à comprendre le phénomène, les entreprises doivent également faire face à l’opting out. L’opting out, c’est le choix fait par plus d’un tiers des salariés, hommes ou femmes, à égalité, pouvant exercer une autorité et qui pourtant le refuse.

Comme Bartleby, le héros de la nouvelle éponyme de Herman Melville, « they would prefer not to« . Position qui le mène à la dernière extrémité. Ce qui est aussi une manière de souligner l’énorme gâchis engendré par la crise de l’autorité.

 

La haute performance n’est pas que comptable

Naturellement, en entreprise, on cherche à faire face et on est habitué à résoudre les problèmes. Il y a crise de l’autorité ? Qu’à cela ne tienne. On va revoir la manière de l’exercer pour atteindre, quoi qu’il en soit, les objectifs qu’on s’est fixés. Et même pour aller au-delà !

Et donc, on va multiplier les mesures, notamment les feedbacks, pour savoir où en sont les salariés chargés de réaliser les dits objectifs. On va regarder les performances individuelles, mais aussi les performances collectives, par équipe et par région. Et tutti quanti.

On va également multiplier les critères caractérisant ces performances et accroître la fréquence de leur mesure. Quant à leur traitement, ce sera une belle occasion de faire du management constructif.

Sauf que, malgré cette prise en charge managériale, rien ne change ou presque et la malaise demeure, voire s’accroît. Qu’est-ce qui se passe ? Où est donc le problème ? Et si on prenait enfin le problème par le bon bout. Celui du sens, du Sens avec un « S ».

Pas uniquement de la manière dont on mesure la performance ! Deux considérations peuvent aider à le comprendre et à faire évoluer les choses. Elles sont au cœur du facteur K tel que le conçoit Af Franck Lidar consulting.

 

C’est quoi un objectif ?

La première est liée à la notion d’objectif. Tout le monde sait ce que c’est qu’un objectif. Les proverbes ne manquent pas pour exprimer tout le bonheur d’avoir un objectif. Citons celui bien connu de Sénèque pour lequel :

Il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va.

C’est simple à comprendre. Et pour faire encore plus simple, on y ajoute comme corollaire que l’objectif à atteindre doit être mesurable. Normal, sinon comment peut-on savoir qu’on l’a atteint ou qu’on s’en approche !

Disons-le. C’est mieux que rien, beaucoup mieux même, et on a au moins huit bonnes raisons pour s’en préoccuper sérieusement. Oui, mais. Comme on peut s’en douter, ce n’est pas entièrement satisfaisant.

A vrai dire, la vraie question est de savoir qui fixe réellement les objectifs et comment. Là, on touche le fond du problème. Car le pire du pire est d’annoncer qu’une fois l’objectif fixé, chacun est libre de se débrouiller comme il veut pour le réaliser.

Comme l’a démontré avec brio un auteur comme Johann Chapoutot dans un livre intitulé « Libres d’obéir, le management du nazisme à aujourd’hui », publié dans la collection nrf essais, chez Gallimard, en 2020, on est probablement là à la racine du mal qui ronge l’exercice de l’autorité en entreprise.

Qui donc a envie d’une fausse liberté ? D’une liberté qui mène à des pratiques que l’on réprouve ? Autrement dit, il n’y a de vrais objectifs que consensuels et partagés.

 

A quoi servent les chiffres ?

La deuxième considération est liée à l’usage des chiffres et la question posée est évidemment provocatrice. Le chiffre rassure et si on pouvait tout traduire en chiffres, ce serait parfait.

C’est le postulat à la base du management moderne, notamment importé des Etats-Unis, où il est codifié dans le taylorisme, et mis en œuvre, en particulier, dans des contextes totalitaires comme Johan Chapoutot en a retracé la généalogie.

Or les philosophes le savent bien, et depuis longtemps, le réel ne peut pas se réduire à une succession de chiffes. On comprend donc que si l’art du management est bien l’art de de régler les problèmes posés par le réel, il risque fort de tomber à côté de la plaque s’il ne voit ce réel qu’à travers cette succession de chiffres.

C’est pratique et rassurant, certes, mais faux. La carte n’est pas le territoire ! C’est le postulat de base de toute action tel que l’a développé et théorisé Alfred Korzybski (1879-1950) dans le cadre de ce qu’il a appelé la sémantique générale.

Autrement dit, les chiffes peuvent bien représenter le réel et en faire une réalité, mais ils ne sont pas les seuls à pouvoir le faire. Ainsi, d’une logique aristotélicienne du « ou…ou » exclusive, il faut savoir passer à une logique non aristotélicienne du « et…et » inclusive.

 

La vraie haute performance : la pérennité

Répondre à la crise de l’autorité par davantage de paramètres pris en compte pour mesurer la performance et viser la haute performance n’est pas loin d’être absurde.

C’est comme de dire à un homme qui n’a plus soif, de boire encore parce qu’il n’a pas assez bu et que ça ira mieux après.

La vraie question est celle du sens. Sens du travail en entreprise, sens tout court de la modernité que d’aucuns appellent post modernité.

 

Croissance du PIB, rien à voir avec croissance du bien être

Une des réponses qui peut y être apporté, concrètement, est dans la mise au placard d’un certain nombre de chiffres. Prenons, au hasard, au niveau global, le pourcentage de croissance du PIB. Il ne signifie rien d’autre qu’une production accrue de choses, dont la plupart sont parfaitement inutiles.

Il ne mesure en rien une amélioration du bien être des populations. Il faut d’autres paramètres pour ça, comme ceux, bien imparfaits, développés dans le World Happiness Report.

Lequel, dans sa livraison de 2023, fait de la Finlande le pays, soit disant, le plus heureux au monde pour la sixième année consécutive.

En tout cas, de ce point de vue, que peut signifier pour une entreprise la recherche à tout prix d’une croissance de son chiffre d’affaires, de son volume de production, du nombre de ses employés, de ses établissement, etc. ?

 

Apprendre à repérer les seuils à ne pas franchir

Une première solution, inspirée sans doute par Léopold Kohr, a été fournie par Ernst Friedrich Schumacher, dès 1973, dans son bestseller « Small is beautiful« . Depuis l’ambiance générale s’est bien assombrie. Le sentiment dominant est à l’amertume.

Olivier Rey dans un livre publié en 2022, intitulé « une question de taille« , qui ne peut que faire date répond à son tour à la question. Pour cela, il fait simplement observer que ce qui fonctionne à 10, ne fonctionne plus à partir d’un certain seuil. D’où l’importance de savoir déterminer ce seuil à ne pas franchir.

 

Laisser le voisin tranquille

C’est pour l’avoir franchi, emportés par leur démesure chiffrée, que des mastodontes qu’on croyait éternels se sont effondrés. Autrement dit, qu’est-ce que c’est que la haute performance, c’est la capacité à passer l’épreuve du temps et à être pérenne.

Ce qui signifie, notamment, de ne pas chercher, à tout prix, à faire plus que le voisin. C’est cela la référence ultime du facteur K tel que Af-Franck Lidar consulting le conçoit.

Sauf à considérer, comme l’écrit avec une grande justesse, Denis Grozdanovitch, dans un de ses derniers livres, récompensé par l’Académie française, intitulé « La gloire des petites choses » :

Qu’Il y ait une trouble attirance concernant tout ce qui touche au charme vénéneux de l’anéantissement collectif.

La gloire des petites choses, p.149

 

 

 

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