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Blob management

Les entreprises font-elles du Blob management sans le savoir ?

Dans son livre « La défaite de l’Occident », Emmanuel Todd consacre tout un paragraphe à une anthropologie du Blob washingtonien. Pour lui, ce Blob management est une des causes majeures de la difficulté pour les responsables de la politique étrangère américaine d’agir rationnellement et raisonnablement. Il y voit aussi un des facteurs de l’impéritie qui touche la plupart des gouvernements occidentaux.

Certes, son analyse et les conséquences qu’il en tire, si intéressantes soient-elles, concernent essentiellement ce qu’il pense devoir être l’avenir, d’ici les cinq prochaines années, des pays constituant l’Occident. Cependant, on peut peut aussi penser que la manière dont il se sert du Blob peut aussi servir à décrire une certaine réalité vécue par les entreprises et expliquer le brouillard dans lequel beaucoup finissent par s’enfoncer.

Un Blob, c’est quoi ?

Commençons par le commencement. Un Blob, c’est quoi. C’est une espèce unicellulaire de myxomycète de l’ordre des physarales. Nous voilà bien avancé, n’est-ce pas ? Quant au rapport avec le management, on ne voit pas. Continuons quand même.

Oublions la définition scientifique et regardons la chose. Elle vit dans la pénombre et n’aime ni l’excès de chaleur, ni l’excès d’humidité. Elle ressemble à une grosse flaque jaune, plutôt gluante, qui se repait de feuilles mortes et de bois mort.

Quand les conditions lui conviennent, elle double tous les jours et elle devient vite envahissante. Ah, et « the last but not the least », ni mâle, ni femelle, elle n’a pas de cerveau, mais elle a une très grand faculté d’adaptation et peut même échapper au vieillissement. Le pied !

Tout ça fait que les scientifiques l’adorent. N’y aurait-il pas là la solution à tous les problèmes de traitement des déchets organiques ? En tout cas, la bestiole passionne Audrey Dussutour, chercheur au CNRS.

A tel point qu’elle a lancé en 2022, une expérience de science participative et écrit un bouquin, mi BD, mi essai, mi- quelque chose, à l’image du Blob, qu’elle a intitulé en toute simplicité et très sérieusement : Moi, le Blob.

Maintenant qu’on sait ce que c’est qu’un Blob dans la nature, voyons ce que c’est dans le domaine organisationnel.

Caractéristiques de Blob management

Une des clefs pour comprendre ce que c’est que le Blob dans le domaine organisationnel, c’est, bien sûr, l’analyse qu’en fait Emmanuel Todd dans son livre « La défaite de l’Occident« , déjà cité, où il précise :

Le Blob washingtonien tel que le présente Walt correspond tout à fait à ma vision d’un groupe dirigeant dépourvu d’attaches intellectuelles ou idéologiques extérieures à lui-même.

La défaite de l’Occident, page 298

Il reprend ainsi une analyse faite par Stephen Walt, prof à Harvard, dans le livre qu’il a publié en 2018 sous le titre « The Hell of Good Intentions. America’s Foreign Policy Elite and The Decline of US Primacy. »

Dans ce dernier, Walt y dit tout sur ce qu’on peut appeler le Blob organisationnel dans son chapitre « Life in the Blob. A sense of Community ».

Or, d’une communauté centrée sur l’animation d’une politique étrangère à une autre lambda centrée sur la vente de petits suisses, il n’y a pas, selon nous, de différence de nature. Et c’est là que ça devient intéressant.

Car de différences, il y en a, bien sûr, mais si on y regarde de près, elles ne concernent que l’intensité des résultats que les unes et les autres peuvent obtenir et l’image que ça donne.

Autrement dit, une communauté Blobique qui vend de la politique étrangère fonctionne, au fond, exactement comme une communauté Blobique qui vend des petits suisses. Et inversement.

Et que disent Messieurs Emmanuel Todd et Walt Stephen du fonctionnement d’une communauté Blobique ? C’est qu’il ressemble bougrement à celui de l’ectoplasme jaune qui passionne Audrey Dussutour et son collègue Simon Bailly.

Ce qui veut dire ni plus ni moins que ça fonctionne sans tête réellement bien définie, sans autre objectif que de continuer à croître dans son pré carré, en étant capable de résister à tout, sous n’importe quelle forme, du moment qu’il ne fait ni trop « chaud », ni trop « froid » et qu’il y a de quoi continuer à « s’alimenter » à proximité.

Le monde Blobique, un monde sans réelles valeurs

Evidemment, pour ce qui est des valeurs, on repassera. Même dans le cas d’une politique étrangère ? Eh oui, c’est justement ça, la grande trouvaille de Walt Stephen.

C’est ce qui permet d’expliquer, notamment, des attitudes et des choix complètement déraisonnables car précisément, malgré les apparences, ce n’est pas la raison qui est aux commandes, mais la défense ectoplasmique des intérêts de la communauté Blobique.

Or, malheureusement, il se trouve que les communautés Blobiques ont tendance à se multiplier dans les entreprises et sont sans doute responsables de l’essor parallèle de la souffrance au travail, ou tout simplement de la fatigue qu’on y éprouve.

Blob management et souffrance au travail

Disons le. Même sous une apparence « bonasse », car comme on l’a dit, il peut prendre toutes les formes, notamment, celle du management dit « bienveillant », le Blob management est bien un management toxique.

En effet, ce qui compte, ce n’est pas l’image donnée, humaine ou inhumaine, par le type de management, mais le résultat qu’il produit.

Une image est, en effet, une question de culture. Et quand on aborde cette question, on se rend vite compte que ses strates sont innombrables. On parle ici, bien sûr, de culture individuelle. En clair, ce qui est inhumain pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre.

Par contre, une chose est certaine, suivant le mode d’exercice du management , on comptabilise plus ou moins de phénomènes de souffrance au travail.

Notons tout d’abord, signe des temps, que ceux-ci sont devenus tellement « populaires » qu’un site très fouillé leur est entièrement dédié. La fréquence de la rugosité de beaucoup de relations interpersonnelles en entreprise en sont un autre signe.

Statistiquement, d’après un sondage d’Opinion Way, datant de 2022, mais ça n’a pas du s’arranger depuis, 34 % des salariés seraient en plein mal être au travail. 14 % serait même carrément en état de burn out.

Autrement dit, près de 2,5 millions de salariés seraient pratiquement HS, bien qu’apparemment toujours présents en entreprise. On voit bien là toute l’inanité à parler de performance dans un tel contexte.

Enfin, d’évidence, un management Blobique, envahissant et marchant sur la tête, quelles que soient ses prétentions, ne peut que générer un mal être généralisé et conduire à des désastres en cascades.

Le K-management, le parfait antidote au Blob management

On peut considérer le K-management comme le parfait antidote au management Blobique. Bien sûr, s’il est mal conçu, ou compris, lui aussi peut n’être qu’une apparence et n’être rien d’autre, finalement, qu’un nouvel avatar de management Blobique.

Sauf que le K-management repose sur trois piliers parfaitement incompatibles avec celui-ci.

Le K-management suppose la confiance

Un K manager sait faire confiance et inspire confiance. Les deux attitudes vont de pair. Un climat de confiance ne peut s’instaurer que si la personne qui détient le pouvoir s’en sert de manière mesurée et avec justesse.

L’exercice du pouvoir par un manager Blobique ne peut être ni mesuré, ni juste, car ses déterminants sont d’ordre clanique et uniquement personnels.

Cette capacité à être juste et mesuré est naturellement un des critères de tout bon recrutement. Ou devrait l’être.

Le K-management respecte des valeurs collectives

Par valeurs collectives, on entend les valeurs partagées, réellement, par tout le personnel faisant partie d’une entreprise ou d’une organisation.

Ces valeurs collectives ne sont donc pas celles d’une « petite bande » au pouvoir qui cherche à les faire entrer, « Blobiquement », dans le crâne de ceux sur lequel s’exerce son pouvoir et qu’elle recrute en conséquence au mépris des intérêts de l’entreprise qu’elle est censée mener au succès.

De vraies valeurs collectives sont celles qui sont à même de constituer une culture d’entreprise qui s’impose naturellement à tous, dirigeants et dirigés. Un K manager sait qu’il faut du temps pour y parvenir et la mise œuvre de procédures appropriées comme, par exemple, le on-boarding. Ou le coaching de dirigeant.

Le K management donne du sens au travail

Le management Blobique ne donne aucun sens au travail. C’est la raison pour laquelle il est fondamentalement toxique. Il n’en est pas de même du K management.

Non seulement, il s’exerce en respectant des valeurs collectives partagées par tous, mais encore, indépendamment des valeurs propres à l’entreprise, il donne, ou redonne, du sens au travail en privilégiant des critères qui, d’une certaine manière, le transcendent, tels que ceuxi, par exemple, de juste prix, de juste produit, etc.

Bref, en ayant le sentiment de ne pas faire n’importe quoi, dans n’importe quel but, pour n’importe qui, le travail est alors un moyen d’épanouissement personnel. Plutôt bien quand on y consacre plus du tiers de sa vie éveillée. Non ?

Management Blobique et K-management, en bref

L’actualité est source de bien des enseignements. Les récents mouvements d’agriculteurs en sont un bel exemple. Si on laisse de côté, les demandes et les rejets des uns et des autres, on peut y voir une sorte de réaction à un Blob ou à un management Blobique. Plus exactement, à une gouvernance qui peut être qualifiée de blobique.

Plus qu’aucun autre travail le choix d’un travail agricole est un choix de vie. Et même, un choix philosophique. Un de ceux, en tout cas, qui ne peut se satisfaire d’une mesure technique, si nécessaire, soit-elle. 

Mathieu Yon, un maraicher de la Drôme, engagé dans la Confédération paysanne, dit ainsi joliment que son travail de paysan le met au monde. 

On lui souhaite bien du courage pour y parvenir, car  le contexte réglementaire dans lequel les agriculteurs sont de plus en plus contraints d’évoluer y est de moins en moins propice.  Celui-ci prend, en effet, chaque jour davantage une forme Blobique qui s’accompagne, naturellement, d’une palanquée de souffrances au travail.

Dans un de ses derniers rapports, la MSA note, ainsi, que :

Le risque de mortalité par suicide des assurés du régime agricole, entre 15 et 64 ans, est supérieur de 30,9% à celui des assurés de tous les autres régimes sociaux.

En résumé, si on ne veut pas arriver à des situations extrêmes, il est conseillé de prendre conscience, avant qu’il ne soit trop tard, de la nature du management auquel on a recours. Et pour ça, rien ne vaut un regard extérieur, expérimenté et philosophiquement sûr.

Celui que peut vous apporter af-Franck Lidar Consulting. En tout cas, en parler ne coûte rien.

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