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La mission d’entreprise, le sens ? : une fausse bonne idée ?

La mission d’entreprise : est-elle vraiment une bonne idée ? Alors que nombre d’entreprises peinent à maintenir l’engagement de leurs collaborateurs, redonner du sens à l’entreprise et au travail devient une nécessité. Mais attention, définir une mission est une chose, la vivre au quotidien en est une autre.

 

Je vous parle souvent du désengagement des collaborateurs, du burn-out, du défi d’attirer et de retenir les talents, du quiet quitting, du bore out… Face à ces enjeux, je prône régulièrement la nécessité d’un cadre de référence stratégique solide, basé sur quatre piliers : Mission, Ambition, Valeurs et Why. Si les notions d’Ambition, de Valeurs et de Why sont généralement bien comprises, la Mission reste souvent floue, mal interprétée quand elle n’est pas carrément ignorée. Pourtant, elle est essentielle pour donner une direction claire à l’organisation, garder la motivation des équipes et la performance qui va avec.

 

La mission d’entreprise, est ce qui définit la raison d’être d’une organisation. Elle prétend guider les décisions et actions, inspirer les employés et attirer les clients.

 

Alors, la mission d’entreprise serait-elle une fausse bonne idée ?

 

Pas si vite. Il ne s’agit pas de jeter le bébé avec l’eau du bain, mais plutôt de l’aborder avec une grande prudence et, surtout, une cohérence indispensable.

 

 

La mission d’entreprise : un acte stratégique nécessaire

Définir une mission d’entreprise est un exercice stratégique incontournable. Ce n’est pas qu’une déclaration de valeurs : c’est une véritable boussole qui permet de donner du sens, à la fois en interne et en externe. Une mission bien définie peut galvaniser les équipes, attirer des investisseurs et créer une véritable communauté autour de l’organisation. Elle fixe des objectifs ambitieux, élève les aspirations, et peut positionner une entreprise comme un acteur positif dans la société.

 

Dans   » La comédie (In)humaine, comment les entreprises font fuir les meilleurs« , Nicolas Bouzou et Julia de Funès se réfèrent à une histoire souvent racontée par le psychiatre Boris Cyrulnik pour illustrer ce que croire peut vouloir dire. Dans cette histoire :

« Un voyageur marche sur une route de campagne. Il y croise un tailleur de pierre, la figure rouge, la mine harassée et miséreuse. « Que fais-tu ? lui demande-t-il. –Tu le vois bien, répond-il dans un souffle, je taille des pierres. »

Quelques kilomètres plus loin, il croise un autre tailleur de pierres, le regard neutre. « Que fais-tu ? – Je travaille pour payer des études à mes enfants. »

Quelques kilomètres plus loin, un troisième tailleur de pierres chante, les traits souriants. « Et toi que fais-tu ? – Je construis une cathédrale ! » 

 

Aujourd’hui quel est le collaborateur qui pense construire une cathédrale avec son entreprise ? Qu’elles en seraient les raisons d’y croire ?

 

Je parle ici de collaborateurs, mais, fournisseurs, clients, les actionnaires doivent aussi être alignés avec la mission de l’entreprise, nous le voyons de plus en plus avec le développement de l’investissement responsable.

 

Ce qui se joue ici ajoute une dimension sociétale à l’entreprise.

 

Pourtant, la définition de la mission n’est qu’un premier pas. Une mission déconnectée des réalités opérationnelles, ou pire, perçue comme un simple outil marketing, peut rapidement se transformer en un boomerang destructeur.

 

 

 L’écart entre la mission et les actes : la clé du problème

De nombreuses études montrent que l’un des plus grands défis pour les entreprises est l’alignement entre la mission et les actions quotidiennes. Les entreprises qui affichent des missions ambitieuses, comme celles liées à l’impact social ou environnemental, mais qui ne traduisent pas ces engagements dans leurs pratiques, prennent le risque de perdre leur crédibilité. Cela peut entraîner du cynisme au sein des équipes et une méfiance de la part des consommateurs.

 

L’étude de Cardon & Stevens (2004) illustre bien cet écart. Lorsqu’une mission est formulée mais ne trouve pas de répercussions dans la réalité des tâches quotidiennes des employés, cela crée de la confusion, une perte de motivation et, à terme, une baisse de productivité. De même, l’analyse de Verma & Jensen (2020) révèle que les priorités financières de court terme prennent souvent le pas sur la mission déclarée, créant un désalignement dangereux entre la stratégie et les valeurs affichées.

 

L’exemple d’Emmanuel Faber, aujourd’hui président de l’ISSB, International Sustainability  Standards Board est un exemple de la pression financière sur les entreprises pour ignorer la mission et leur volonté de favoriser le court terme.

Emmanuel, l’entreprise Danone, dont il est le PDG depuis 2017, adoptera sous son impulsion les statuts d’entreprise à mission en 2020. Son idée forte « sans justice sociale, il n’y aura plus d’économie. ». Un résultat : » il se fracassera sur le mur dressé par les fonds activistes lui reprochant la chute de  la valorisation de l’action Danone dans la foulée de la crise sanitaire et sans doute aussi, l’absence de réel soutien interne à sa vision sociétale. En mars 2021, la majorité du conseil d’administration de Danone, y compris Franck Riboud, le pousse dehors »

 

D’autre part, la mission ne peut être imposé ex nihilo aux collaborateurs, dans un mouvement top down. Le top management, se disant que les strates inférieures, feront leur,  la mission qu’ils ont déterminée.

 

 

 L’illusion de la mission : un effet placebo ?

Certains observateurs parlent d’un « effet placebo » des missions d’entreprise. Bartkus et al. (2000) ont montré que, bien que l’annonce d’une mission puisse créer une dynamique positive à court terme, cet effet s’estompe rapidement si la mission n’est pas concrètement intégrée dans tous les processus décisionnels de l’entreprise. À l’inverse, lorsque la mission devient un véritable moteur stratégique, elle peut renforcer la cohésion interne et améliorer la performance globale.

 

 

 Le cynisme organisationnel : un risque réel

Quand la mission d’entreprise est perçue comme une façade, cela engendre souvent du cynisme. Les employés qui ne voient pas la mission reflétée dans les pratiques quotidiennes peuvent perdre confiance en leur employeur. Cette déconnexion nuit également à la réputation externe de l’entreprise, car les consommateurs ne sont pas dupes : une mission affichée mais non respectée est souvent perçue comme du « greenwashing » ou du « social-washing ».

 

L’étude de Melewar & Karaosmanoglu (2006) montre que ce type de cynisme peut saper l’engagement des employés et faire chuter la confiance des clients, deux éléments essentiels à la réussite d’une entreprise.

 

 

La mission : un levier de mobilisation… si elle est bien intégrée

À l’inverse, une mission bien articulée et alignée sur les pratiques quotidiennes de l’entreprise peut devenir un puissant levier de mobilisation. C’est ce que montre Freeman & McVea (2001) dans leurs travaux sur la théorie des parties prenantes. Chaque strate de l’organisation, à son niveau doit pouvoir participer à la réalisation la mission, les succès si minimes soient ils doivent être célébrés. L’engagement,  le sens, la résilience, la performance passent par là. Une mission claire, qui fait sens à tous les niveaux, permet d’aligner les intérêts des employés, des investisseurs et des clients autour d’un objectif commun.

 

Encore une fois, la clé est dans l’alignement. Une entreprise qui vit sa mission à travers des actions concrètes, qui intègre ses valeurs dans ses décisions stratégiques et ses pratiques opérationnelles, sera perçue comme authentique et inspirera durablement ses parties prenantes.

 

Une mission oui, mais en phase avec la réalité

La mission d’entreprise n’est pas une fausse bonne idée. C’est un acte stratégique essentiel, à condition qu’elle soit en ligne avec les actes quotidiens de l’entreprise. Déconnectée des réalités, elle devient un simple outil de communication sans substance, potentiellement nocif pour la crédibilité de l’organisation. En revanche, une mission authentiquement vécue peut devenir un vecteur de performance et de mobilisation à long terme.

 

Il ne suffit pas de rédiger une mission : encore faut-il la vivre au quotidien.

 

 

Donner, ou redonner du sens au modèle entrepreneurial

 

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