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Pour transformer le monde, transformons le management

Blob management ou K Management, qui des deux l’emportera ? Nous avons évoqué dans de précédents posts les caractéristiques et les méfaits de ce que nous avons appelé le blob management et montré, du moins nous l’espérons, que la généralisation d’un blob management dans une entreprise précède de peu sa disparition. Cette disparition peut être totale ou correspondre à une fusion dans un ensemble plus vaste. Lui-même soumis aux mêmes forces de dissolution s’il obtempère aux injonctions d’un blob management.

Mais quoi qu’il en soit, la puissance du blob management est bien réelle et elle s’étend à mesure que la globalisation des affaires et l’acculturation des esprits à ses modalités s’enracinent et s’affirment. Au fond, ne le rend vulnérable que les désengagements et les désaveux qu’il génère, et encore. Après tout, le personnel désengagé, c’est aussi le personnel qu’il n’a aussi aucun état d’âme à dégager et à remplacer pour préserver ses ratios mark-to-market. Tant qu’il le peut, il recule d’autant son entrée dans sa phase ultime et mortifère. Et ça peut durer longtemps !

Le management apaisé et son orientation mark-to- K n’a-t-il alors aucune chance de s’imposer et ce faisant de transformer le monde dans lequel nous vivons ? Sauf que c’est ce dernier qui, en définitive, impose le tempo.

Yvan Rioufol, journaliste, chroniqueur, inlassable observateur de ce monde depuis des décennies, constate dans une interview donnée à la chaîne You Tube de Epoch Times France, donnée en juin 2024, que nous faisons désormais face à une révolution du réel.

Effondrement d’un monde

Yvan Rioufol pense, en effet, assister à l’effondrement d’un monde. Il n’est pas le seul à le croire. Ces dernières années, les ouvrages, les articles, sur ce thème se sont multipliés.

Mais de quoi parle-t-on au juste ? Et en quoi l’entreprise dont la mission pour les professeurs en gestion est de produire des biens et des services et de les vendre en espérant faire le maximum de bénéfices peut-elle se sentir vraiment concernée ?

Cet effondrement supposé ne fait-il pas tout simplement partie d’un « donné » parmi d’autres avec lequel elle doit composer comme elle le fait, et l’a toujours fait, avec bien d’autres paramètres ?

Et, d’ailleurs, cette soi-disant révolution du réel ne serait-elle pas plutôt l’expression d’un parti pris idéologique ? Ce n’est évidemment pas l’analyse qu’en fait Yvan Rioufol. Pour lui, toutes les catégories sociales sont concernées, y compris celles qui s’en croyaient jusqu’à présent préservées.

Emergence d’un monde nouveau

Dans une tribune parue dans le Figaro, Pierre Vermeren, normalien, agrégé, docteur en histoire contemporaine, spécialiste du Maghreb, auteur, notamment, de « La France qui déclasse » (1) écrit de son côté que :

« Le noyau des élites a pris ses désirs pour des réalités, car c’est moins le réel qui leur importe qu’un récit rassurant auquel elles veulent croire. »

Or ces élites qu’Ivan Rioufol voit de son côté dominées par « l’entre soi » font bien évidement partie du monde de l’entreprise. Le désarroi qui a fini par les toucher, suscité par l’inévitable révolution du réel – les faits sont têtus – entraine dans le même désarroi ce qui en faisait, et en fait encore largement la représentation, à savoir la classe managériale.

Signes d’un changement d’ère

Quels sont ces faits si têtus qu’ils ne peuvent que remettre en cause des habitudes managériales ancrées de longue date, s’en tenant expressément à la France, Pierre Vermeren n’y va pas par quatre chemins :

« En deux générations, écrit-il, la France a cessé d’être ce qu’elle fut, changeant davantage que depuis la Révolution. Sa population a été recomposée, son économie désindustrialisée, sa dépendance à l’extérieur considérablement accrue. Elle a cessé d’être la grande puissance souveraine qu’elle fut en Europe, la « gardienne » de l’Afrique et un acteur majeur au Moyen-Orient. Surtout, sa culture et sa civilisation ont considérablement mué. La France des arts et des sciences ne parle plus au monde, même si le luxe et la mode, en s’américanisant, ont gardé des atours. Les Français ont cessé de croire, en majorité, à la religion qui a forgé leur culture.

À parcourir les littératures populaires, savantes et enfantines du pays des Lettres, la richesse de leur langue a beaucoup régressé. Les Humanités ne trouvent plus preneurs chez les jeunes. Leur niveau scientifique s’est effondré. Nombre de Français ne savent plus vraiment qui ils sont, ni s’il faut croire en quelque chose, de sorte que le « présentisme » est leur religion.

L’exhibitionnisme, la vulgarité, la crédulité et l’ignorance, poussés par les multimédias, se portent très bien, après avoir chassé les valeurs traditionnelles de la décence, de la modestie et de l’effort. » (2)

Mark-to-K

En retenant la lettre K pour son cadre de référence nous avons voulu signifier qu’il était temps de passer à autre chose et à une autre étape de l’évolution du management et un management capable de remodeler ce monde éclaté, archipelisé et multipolaire.

Le K des sémiologues

Car la lettre K a une signification intrinsèque qui lui est propre et distincte de ce que peuvent signifier, par exemple, les lettres X, Y, Z ou N. Rappelons par exemple que la lettre Y, était le signe de ralliementdes adeptes de Pythagore pour lesquels le fameux théorème était d’ailleurs, de ce point de vue, sans importance. Pour un sémiologue comme Franz De Ruyt, en effet :

« La lettre Y représente le symbole de la vie morale et figure le carrefour de la vie. Deux routes s’ouvrent devant tout homme : celle de gauche, la branche épaisse de Y qui aboutit au gouffre de la honte et celle de droite, la branche mince qui conduit au repos dans l’honneur et la gloire (… ) On sait avec quelle prudence critique, il faut traiter tout ce qui touche au domaine pythagoricien. Que de théories, que de légendes ont été mises sous ce nom, dont l’influence mystique eut un rayonnement si extraordinaire. »

Franz De Ruyt, revue belge de philologie et d’histoire, 1931

La lettre K bénéficie-t-elle d’un même pouvoir mystique ? De prime abord, pas vraiment. La lettre K est surtout employée pour étiqueter un facteur dénommé pour cette raison le facteur K. Autrement dit, pour les spécialistes de la métallurgie, un facteur absolument indispensable pour évaluer le comportement d’une tôle que l’on veut plier. Même si, à partir de là, on peut filer une métaphore, on est quand même loin de la richesse de sens de la lettre Y.

Le K des physiciens et des biologistes

Est-ce si sûr ? Les kabbalistes y voient bien autre chose. En effet, derrière un mot, une lettre, un nombre peuvent se cacher bien des vérités qui ne peuvent s’approcher, selon eux, qu’après de longues heures de méditation. Or Dans l’alphabet hébraïque, le K, c’est leKaph et sa valeur numérique est le 20.  Et pour les kabbalistes, le Kaph :

« En tant que 2 x 10, représente un double accomplissement matériel et spirituel. Nous avons là une harmonisation des oppositions, une correspondance parfaite entre l’âme et le corps, entre l’esprit et la matière, et peut-être même entre Dieu et l’homme. »

Cet équilibre est bien au cœur du management apaisé. Notons, par ailleurs, pour ceux que la gematria pourrait indisposer que la lettre K est aussi en service en virologie et en marketing. De fait, elle est bien utile pour calculer la vitesse de propagation d’un virus ou d’une idée sur un réseau social. D’une manière ou d’une autre, on peut considérer tout cela comme de bon augure pour l’avènement d’un nouveau management.

Laissons de côté les haruspices et revenons au monde qui vient, à la révolution du réel telle que l’a pressentie un journaliste comme Yvan Rioufol et décrite sous de sombres aspects en France comme l’a fait Pierre Vermeren.

De la révolution managériale au blob management

On peut, bien sûr, refuser de souscrire à un tel tableau et le juger bien trop pessimiste. Cependant, ce qu’il pointe du doigt est bien là. C’est le réel et sa révolution. Celui qui transforme d’ores et déjà l’entreprise en champ de bataille.  Comment dès lors la classe managériale « mise au monde » par James Burnham ne serait-elle pas impactée durablement par de tels bouleversements ? 

Premier à l’avoir conceptualisée en tant que telle dans son livre paru en 1941 aux Etats-Unis, sous le titre « Managerial Revolution », traduit en français, sous celui de « L’ère des organisateurs », James Burnham en est indiscutablement le père.

On n’en parle plus guère aujourd’hui, mais ce qu’il décrit est exactement ce qui est advenu. Il a formé le management de guerre que nous avons précédemment évoqué. La classe managériale d’aujourd’hui subit de plein fouet le nouveau monde saisi par Pierre Vermeren dans ce qu’il a de plus caractéristique.

Or comme on peut s’en douter, ce nouveau monde sans réelles valeurs est particulièrement propice à la croissance accélérée d’un blob management. Rappelons que, selon nous, ce dernier en constitue, en quelque sorte, le stade ultime.

Du blob management au management apaisé

 Pour Pierre Vermeren, la cause est entendue. « L’Etat doit prendre d’urgence les mesures nécessaires. » résume son éditeur. Nous le pensons aussi. A condition que l’Etat, dans son acception la plus large, agisse en protecteur des bonnes pratiques managériales. Et pour nous, il s’agit de mesures visant à protéger celles initiées dans le cadre d’un management apaisé. La récente directive européenne CSRD va, selon nous, dans ce sens.

Avec un tel environnement en perspective, se poser la question de « Que faire ? » est naturellement légitime. Mais de plus, pour nous, elle est, on ne peut plus, celle qui se pose en premier à l‘entreprise, plus qu’à aucune autre institution. Tant elle est devenue elle-même une institution de premier plan. Plus apte, selon nous, à interférer avec le réel que des institutions représentatives ou normatives qui peuvent sembler dévoyées.

Ce qui nous conduit à cette autre question : comment donc l’entreprise peut-elle accomplir le passage de la révolution managériale, décrite par James Burnham, à un nouveau genre de management ? Lequel, toujours selon nous, ne peut être que celui que nous avons appelé management apaisé. Le seul, à notre avis, à même de tenir compte de la révolution du réel en cours.

Nouvelle ère, nouveau management, quoi de plus logique.

Sous la lettre K, nous avons regroupé l’ensemble des actions qui nous semblent nécessaires, de ce point de vue, pour faciliter l’émergence de ce management. Pierre Vermeren écrit encore dans la même tribune précitée que :

« Les hommes font l’histoire, mais ne savent pas l’histoire qu’ils font ».

On peut en déduire avec une bonne dose de certitudes que lorsque les cycles se mettent à tourner, rien ne peut vraiment les arrêter. La France n’est pas une île, elle fait partie d’un ensemble occidental et celui-ci est engagé dans une totale recomposition d’ordre civilisationnel.

C’est ce que disent chacun à leur manière des auteurs aussi différents qu’Emmanuel Todd dans sa « Défaite de l’Occident » (3) que Marcel Gauchet dans ce qu’il appelle « Le nœud démocratique » (4).

Ce que l’Histoire nous apprend, c’est que ce genre de cycle a tendance à réduire à peu de chose ce qui paraissait inébranlable encore peu de temps auparavant. Ce qui hier était si évident, aujourd’hui ne l’est plus, sans qu’on s’en soit vraiment rendu compte

. « O tempora, o mores ! » dit la formule latine. Autres temps, autres mœurs.

Les nouveaux horizons vers lesquels conduisent les nouveaux cycles en cours peuvent certes rester encore longtemps indistincts.

Vers où allons nous ? Quel sera le sort des puissances actuelles, privées ou publiques ? On ne sait pas. Une chose est sûre, cependant, ce sont bien les structures, notamment entrepreneuriales, qui pourront bénéficier de l’engagement de ceux qui y travaillent qui s’en sortiront le mieux.

Et pour cela, nul doute que la solution passe par un management apaisé et non par un management guerrier n’ayant d’autre perspective à terme que sa transformation en un blob management mortifère.

En bref, pour transformer le monde, éviter qu’il ne devienne désastreux, transformons le management, développons un management apaisé « Mark to K », et faisons confiance au sens du réel des entreprises pour y parvenir.

(1)De la désindustrialisation à la crise sanitaire. La France qui déclasse. Pierre Vermeren. Tallandier -Texto, 2022

(2) Le Figaro, Tribune de Pierre Vermeren, 2 juillet 24

(3) La défaite de l’occident, Emmanuel Todd, Gallimard, 2024

(4) Le noeud démocratique. Aux origines de la crise néolibérale. NRF Sciences Humaines, 2024

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