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Le management apaisé est-il l’avenir du management ?

Posons-nous la question de savoir quel est le contexte entrepreneurial le plus propice au développement d’une nouvelle pratique managériale. Une pratique qui serait fondée sur une nouvelle idéologie du management. L’idéologie d’un management apaisé.

 

Nous ne sommes pas les seuls à y penser. Loin de là. Ces derniers temps les auteurs qui s’y attellent ne manquent pas. La plupart sont d’ex grands capitaines d’industrie ou de brillants associés de cabinets conseil. Tel n’est pas notre positionnement. Franck et moi cumulons beaucoup d’années d’expériences managériales. A hauteur d’homme et à bonne distance. C’est l’or du temps (1) dont parle François Sureau ou les perles que pêche (2) Alain Finkielkraut, tous les deux voisins de fauteuil à l’Académie française. Tous les deux se retournant sur leur passé.

 

Cette nouvelle idéologie du management apaisé vers où nous pensons que tend le nouveau management, nous sommes convaincus que c’est la meilleure réponse à l’attente sous-jacente que révèle le rejet de l’entreprise par beaucoup de ceux qui y travaillent.  Un tiers dit-on. D’une manière ou d’une autre. Elle nous parait plus apte à en consolider les performances que celle uniquement fondée sur un schéma construit sur la maximisation du profit et la spéculation sur les actifs financiers.

 

En effet, toujours selon nous, est performante la structure qui parvient à être pérenne et à passer l’épreuve du temps. Ce qui ne se traduit pas par la recherche permanente de la maximisation du profit, mais nécessairement par la valorisation du capital humain.

 

De ce point de vue, le contexte entrepreneurial joue un rôle clef. Il est, de fait, la résultante des pratiques managériales mises en œuvre en son sein par l’entreprise et de ce qui caractérise son environnement au sens large.

 

 

Un management de guerre impulsé par une volonté de conquête

Comme on l’a déjà dit, les pratiques managériales dépendent étroitement de l’idéologie du management adoptée par l’entreprise. L’idéologie du management habituelle n’est pas le fruit du hasard. Elle est la conséquence d’une évolution qui a fait passer l’entreprise du statut d’organisation plus ou moins marginale à celui de « Company », acteur sociétal majeur.

 

Origine du management de guerre

Cette évolution a principalement été initiée par une impulsion venue du monde anglo-saxon, et notamment américain. On en connait le principe fondamental. L’efficacité mesurée par le rendement financier maximum réalisé dans le minimum de temps.

 

Toute cette évolution a été particulièrement bien décrite par Michel Drancourt dans son livre « Leçon d’histoire sur l’entreprise de l’Antiquité à nos jours. » (3)

 

Michel Drancourt (1928-2014), licencié en droit et docteur en sciences économiques, a eu une longue carrière de journaliste, de haut fonctionnaire, de dirigeant d’entreprise, de représentant des milieux patronaux, de formateur et d’essayiste. Une vie bien remplie donc et une connaissance intime de la vie des entreprises et des organisations.

 

Ce qui est frappant dans le livre précité, c’est que l’entreprise telle qu’on vient d’en rappeler brièvement le principe de base s’est concrétisée plutôt rapidement au regard du temps de maturation habituel des grands acteurs institutionnels historiques.

 

 

Une émergence très rapide à l’aune des temps historiques

En gros, cela n’a pris que cent cinquante années. Cela parait bien long quand on peut converser instantanément d’un bout à l’autre de la planète. Mais, en réalité, c’est finalement bien peu, pour quelque chose qui a acquis un tel poids dans la vie quotidienne.

 

Notons également que le management moderne a pris forme dans des circonstances bien particulières. Celles qu’ont constitué, notamment, deux guerres mondiales qui ont nécessité de puissants efforts d’organisation. Mais aussi, et peut-être surtout, dans un cadre géographique qui est celui d’une Amérique qui depuis ses origines estime avoir un destin manifeste (4). Celui de gouverner le monde. Et nul doute que pour celle-ci, les entreprises constituent un fer de lance privilégié pour accomplir ce destin (5).

 

De ce fait, outre la marque personnelle de ses grands fondateurs, ce management porte donc, plus profondément, celle d’une période où il ne s’est guère passé une année sans que les Etats-Unis ne mènent une guerre pour défendre et promouvoir leurs intérêts commerciaux et industriels. Il en est ainsi depuis leur fondation et la Boston Tea Party. Pour ces deux grandes raisons, le management courant qui en est issu peut être qualifié de management de guerre ou de conquête.

 

 

Les grands théoriciens

Cette mécanique désormais bien huilée est due pour l’essentiel au génie d’industriels et d’hommes d’affaires hors pair. Le premier à devoir être cité est sans aucun doute, Henry Ford (1863-1947). On lui doit la production en masse de la Ford T. Bien payés, s’ils arrivaient, notamment, à l’heure à leur poste de travail, les ouvriers de Ford lui ont permis de casser les prix en augmentant sa production dans des proportions considérables et d’éliminer ses concurrents peu soucieux de répondre à une demande populaire.

 

Les apports de Ford et Taylor

Avec le soutien de Frederick Taylor (1856-1915), le théoricien de l’organisation scientifique du travail (OST), il va alors pouvoir inonder le marché automobile naissant de ses Ford T à bas prix. Le principe sera évidemment retenu par d’autres industriels pour la plus grande gloire de l’industrie américaine.

 

Mais ce n’est pas tout. Deux autres grandes figures de l’industrie américaine ont contribué à en faire une machine de guerre hyper efficace.

 

Le premier de ces deux autres grandes figures est Pierre DuPont de Nemours (1870-1954). Michel Drancourt le présente de la manière suivante (6) :

 

« Héritier des DuPont de Nemours, Pierre Samuel du Pont perçut qu’une entreprise industrielle moderne ne devait plus être gérée par une famille en fonction de ses intérêts patrimoniaux, mais de l’intérêt de l’entreprise prise comme une entité en soi. Pour serrer la gestion, il mit au point les ratios de rentabilité des entreprises sur lesquels nous vivons encore. »

 

Les apports de Dupont de Nemours et de Sloan

Quant à l’autre grande figure des fondateurs du grand business américain, il s’agit d’Alfred P. Sloan (1875-1966). Michel Drancourt dit de lui (6) :

 

« Sloan, dont Pierre Du Pont appuya l’action (les DuPont de Nemours étaient les plus gros actionnaires de General Motors en 1917) fit accomplir des progrès considérables au marketing et à l’organisation d’un vaste groupe. En matière d’organisation, il fut le promoteur de la décentralisation des décisions compensée par la centralisation des contrôles. C’est cet aspect qui finit par l’emporter, le directeur général disposant des moyens de maîtriser la société dans son ensemble. »

 

Fondements du management de conquête

Stratégie conquérante, maximisation des profits, organisation scientifique du travail, modalités de direction à la fois centralisées et décentralisées, tout y est très vite et rien n’a guère changé jusqu’au début des années 2000.

 

De sorte qu’au moment où Michel Drancourt a rédigé son opus, précisément au début des années 2000, le perspectives managériales semblaient toute tracées. La prochaine étape devait conduire la plupart des entreprises vers une inévitable mondialisation de leurs activités, le recours généralisé aux NTIC et une culture plus que jamais américanisée.

 

Bref, les entreprises allaient évoluer dans le même contexte, mais dans un contexte élargi au monde entier et avec une idéologie uniformisée.

 

 

Pourquoi tendre vers un management apaisé ?

Sauf qu’après plus d’un siècle d’une domination sans partage de cette idéologie du management, il semble que de nouvelles attentes se fassent jour.

 

De nouvelles attentes de l’entreprise

Dans son livre « Notre vagabonde liberté », Gaspard Koenig raconte comment il a mis au point son périple à cheval sur les traces de Montaigne avec l’aide d’Antoine qu’il voit comme un sage. On est là proche de Giono et de Jack London.

 

C’est quoi la sagesse ?

Antoine dirigeait un complexe équestre florissant, il a préféré le vendre et créer quelque chose de plus petit et de plus conforme à la manière dont il veut vivre avec Alice, sa femme. L’un et l’autre veulent être libres de leurs choix. Pleinement conscients que la vie est courte et que l’adhésion à un modèle entrepreneurial de conquête est un leurre.

 

« Sur le plan pratique, il me semble, écrit Gaspard Koenig, qu’une même définition de la sagesse court à travers toute l’histoire de la philosophie. Le sage est tempérant, équanime, sobre et généreux. Il maitrise ses émotions et se détourne des passions vulgaires : ambition, avarice, jalousie. Il vit modestement, se contentant de satisfaire ses besoins essentiels, en accord avec sa propre nature et en harmonie avec son environnement. De même, il refuse d’être pressé : il prend le temps nécessaire à chacun de ses gestes, à chacune de ses pensées. Enfin, il sait que la mort est proche et, plutôt que de s’éparpiller en divertissements mensongers ou en vains projets, s’applique à jouir du moment présent. » (7)

Mais, réaliste et un peu hâbleur, on ne se refait pas, plus loin, il ajoute :

« La sagesse est parfaitement banale à décrire et horriblement difficile à exercer. C’est l’exact inverse de la philosophie post moderne, pure création de concepts, intellectuellement sophistiquée et moralement démunie ».

A tel point conclut-il :

« (Qu’) on peut être un grand philosophe et un parfait salaud : les exemples ne manquent pas. A l’inverse, on peut devenir sage sans jamais avoir ouvert un livre. »

Si on regarde le monde tel qu’il évolue, on ne peut que constater que le monde global espéré prend plutôt la tournure d’un monde éclaté. Ses tendances multipolaires s’affirment de jour en jour.

 

Rôle décisif du management

Dans ce monde à venir, on peut penser qu’un management à l’esprit perpétuellement belliqueux n’est guère fait, somme toute, pour y manœuvrer au mieux. Il est sans doute grand temps de lui substituer un autre management, plus sage. Prenant davantage en compte ce que c’est que réussir.

 

La tentation de l’imperium

De fait, l’Histoire bruisse de toutes les tentatives avortées ou sans lendemain visant à imposer un imperium global quand cette histoire n’était faite que par des Etats. Il en est aujourd’hui comme hier, avec comme changement majeur, le rôle sans comparaison que jouent désormais les entreprises dans les affaires du monde.

 

Au point que des auteurs de Science-Fiction comme Alain Damasio ont pu imaginer un futur qu’elles dominent totalement (8). Or nous pensons que celui-ci peut, en fait, être l’occasion de substituer à ce management « américanisé », pour faire court, un management plus humain et plus respectueux de son environnement.

 

En somme, un management plus réfléchi. En tout cas, plus adapté à la nouvelle donne générée par les bouleversements géopolitiques en cours. Bref, un management apaisé.

 

Le management apaisé pour mieux s’adapter à une géopolitique éclatée

Possible, on l’espère, nécessaire, sans aucun doute, alors même qu’une dangereuse guerre, commencée en 2022, embrase le cœur de l’Europe. Conflit très révélateur, raison pour laquelle on y fait référence, dans lequel, au-delà des postures de chacun des deux camps, la poursuite d’intérêts financiers et économiques est souvent le but premier.

 

Il semble donc que le temps soit venu de se demander comment se libérer d’une pratique managériale qui se voudrait définitive et comment passer à un autre paradigme moins belliqueux. D’en revenir, en somme, aux grandes sources millénaires de l’esprit européen et notamment à celles qui en ont fait la terre des cathédrales.

 

Peut-être est-il ainsi temps au moins en France, sinon en Europe, de passer, si possible, à un autre type de management, à un management que nous qualifions de management apaisé.

 

 

On peut satisfaire ces attentes tout en restant efficace

Autrement dit, nous pensons que pour une entreprise, il doit être possible de mener ses opérations et d’être profitable, sans que ses dirigeants aient la prétention de vouloir lui faire dominer à tout prix le monde et à tout le moins tout son secteur d’activité.

 

Mais au contraire, en ayant le souci d’œuvrer pour le bien commun là où elle se trouve et là où elle opère. C’est à cette condition que le blob management avec son cortège de désastres humains et sociaux peut être éradiqué et que la pérennité du plus grand nombre d’entreprises peut être assurée.

 

Nous ne pensons donc pas que la destruction créatrice conceptualisée par Joseph Schumpeter (1883-1950) soit l’alpha et l’oméga de toute stratégie d’entreprise. 

 

En finir avec le darwinisme social

A bien des égards, elle n’est au fond rien d’autre qu’une extrapolation des spéculations de Charles Darwin (1809-1882) sur l’origine des espèces. Spéculations car, comme vient de le démontrer Daniel S. Milo, né en 1953, professeur de philosophie naturelle à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), dans son maître livre, « La survie des médiocres – Critique du darwinisme et du capitalisme » (9), on peut voir les choses bien différemment.

 

En tout cas, de manière beaucoup moins sommaire ou limitée. En bref, la nature est exubérante et se satisfait de la coexistence d’individus bien dotés avec d’autres qui le sont moins. Ou autrement.

 

Dans un environnement changeant, tous sont également nécessaires. Tel individu indispensable, un jour, ne l’est plus de la même façon, le jour d’après, l’environnement n’étant plus le même.

 

 

Pourquoi les perspectives managériales ont-elles évolué ?

Les remarques qui précèdent sont d’autant plus à prendre en compte que les considérations de Michel Drancourt quant aux suites et aux perspectives qu’il a envisagées pour son histoire des entreprises semblent mises à mal par la réalité des faits.

 

En tout cas, tels qu’ils se sont accumulés ces dernières années, notamment depuis la crise sanitaire du covid. Il y a clairement un avant et un après covid.

 

Tout d’abord, Michel Drancourt n’avait pas vu venir l’Intelligence Artificielle et ses répercussions sur le monde du travail, ni les effets discutables, voire carrément désastreux, de la mondialisation sur les économies nationales qui n’en sont pas les moteurs.  

 

Par ailleurs, Michel Drancourt avait une approche somme toute réductrice de la performance, inspirée d’un darwinisme social, aujourd’hui discuté, et de méthodes appartenant à un autre monde.

 

Enfin, Il avait laissé de côté ces entreprises multiséculaires qui ont démontré qu’elles pouvaient faire mieux que survivre sans perdre leur âme, ni se lancer dans des conquêtes inutiles.

 

Comme le montre, par exemple, l’histoire multiséculaire de la société Viellard Migeon et ses pareilles du Family Business Network (FBN). A celles-ci, on peut ajouter toutes celles qui ont adopté le modèle rhénan de développement ou ont suivi des voies très personnelles telles que, par exemple, Michelin ou Fives Cail.

 

 

Un exemple de management apaisé : la société Viellard Migeon

Un mot sur la société Viellard Migeon. On la connait bien grâce aux travaux de Pierre Lamard, professeur d’histoire industrielle à l’Université de Technologie de Belfort Montbéliard (UTBM). On lui doit notamment une biographie très complète de la société (10).

 

Deux faits qui font « tilt ».

 

Tout d’abord. La société a plus de deux cents ans et fait partie des Hénokiens. C’est une association créée à Bordeaux en 1981 réservée aux entreprises qui en plus d’être au moins bicentenaire ont encore leur capital détenu majoritairement par des descendants du fondateur et une direction effective assurée par eux.

 

Exactement le contraire de ce qu’ont recommandé très tôt les théoriciens du management à l’anglo-saxonne.

 

Ce n’est pas faute d’en avoir été tenté. Comme le rapporte Pierre Lamard dans un chapitre de son livre justement intitulé ‘Vers une gouvernance apaisée », en 1985-1987, l’entreprise a failli céder aux sirène d’un management désincarné.

 

La crise managériale des années 80

Par la voix de l’un des membres du conseil de surveillance, la critique a d’ailleurs été totale dans les années 80:

« La composition actuelle du conseil de surveillance ne lui permet de remplir l’intégralité de son rôle par manque de professionnels ayant une connaissance approfondie des affaires entre autres dans le domaine des finances, de l’industrie et du commerce de haut niveau. » (11)

Mais, elle parvient à se reprendre in extremis et sous l’autorité d’un membre de la famille, Michel Viellard, qui en reprend les rênes, en tant que Président du Directoire. Elle en revient alors à ses fondamentaux.

 

Le retour aux fondamentaux au début des années 90

De sorte que lorsque, atteint par la limite d’âge, il passera le témoin en 2008 à Christophe Viellard qu’il conservera jusqu’en 2014, celui-ci rappellera :

 

« (Qu’) il a toujours été soutenu par le conseil d’administration et Monsieur Michel Viellard et que la volonté familiale a permis la réalisation d’objectifs ambitieux. » (12)

Sous la houlette de son actuel Président du Conseil d’Administration, Emmanuel Viellard, la société Viellard Migeon est-elle pour autant une entreprise conservée dans la naphtaline et au bord de l’extinction  du fait de son « affectio familiae » ? Que nenni !  

 

Viellard Migeon au début du XXI -ème siècle

La spécialité de la société Viellard Migeon depuis les origines, c’est l’étirage des fils d’acier. Ce qui peut prendre de multiples formes et exiger de multiples savoir-faire.

 

A partir de sa base d’origine, Morvillars, elle rayonne par ses filiales et ses participations dans 140 pays et est présente dans 84 sites. L’ensemble est réparti en quatre grandes divisions, dont une entièrement consacrée à la fabrication d’hameçons pour la pêche. De fait, aucune d’entre elles ne se rapproche de près ou de loin de ce qui fait la gloire des start up d’aujourd’hui.

 

Moyennant quoi, la holding Viellard Migeon réalise un CA consolidé de plus de 200 millions d’euros avec un peu plus de 10 000 salariés.

 

 

Le management apaisé gage d’efficacité sur le long terme

Quant à ses valeurs, celles d’un management apaisé, ils en laissent plus d’un pantois. Rien à voir avec les prétentions d’un capitalisme conquérant.

 

De fait, membre actif de l’association des hénokiens, elle entend bien être encore là dans 200 ans. A noter que si l’association répertorie 15 entreprises françaises parmi ses membres, soit le contingent le plus nombreux, représentant 30 % du total, les entreprises anglo saxonnes n’y sont représentées que par une seule, et encore anglaise. Aucune américaine, donc ! Un signe !

 

 Enfin, comme elle le précise dans sa plaquette :

« Viellard Migeon et compagnie puise encore aujourd’hui sa force dans les valeurs traditionnelles qui ont assuré sa pérennité plus que bicentenaire :

  • La fidélité et la loyauté de son actionnariat familial
  • Le respect et la valorisation de son personnel
  • La confiance de ses partenaires extérieurs
  • Le sens du passé pour anticiper l’avenir «  

Toutes choses que les quants qui œuvrent au service de fonds d’investissements, partenaires incontournables des entreprises au management guerrier, se moquent éperdument. Avec pour résultat de transforment les bourses mondiales en casinos.

 

 

Les points d’entrée pouvant conduire à un nouveau contexte entrepreneurial marqué par un management apaisé

 

Pour bien appréhender ce nouveau contexte entrepreneurial attendu et ses conséquences sociétales, il convient de voir en quoi les entreprises sont devenues des institutions de premier plan et comment les plus réfléchies d’entre elles peuvent être à la pointe d’un mouvement pour changer à la fois leur contexte entrepreneurial interne et leur environnement entrepreneurial.

 

Dans le premier cas, il s’agit pour elles de favoriser de nouvelles approches managériales faisant d’un management apaisé la règle de vie de l’entreprise et dans le second cas, de favoriser un cadre politico-réglementaire propice à ces approches.

 

Pour ce qui est de ce dernier, on peut dire qu’il se situe quelque part entre les pratiques de type RSE, nationales ou extra nationales, et la conceptualisation d’un libéralisme tempéré. C’est-à-dire encadré par un Etat stratège.

 

Cela dit, parler d’une entreprise comme s’il s’agissait d’une institution comparable aux autres institutions formant l’armature d’une société, voire comme d’une institution supérieure aux autres, voilà qui aurait qui aurait sans doute interloqué la plupart des pionniers de l’entreprise moderne : Les Ford, les Taylor, les Sloan, côté US, les Fayol, Thietart, côté français, et autres.

 

En quoi l’entreprise peut-elle être considérée comme une institution ?

On peut évidemment commencer par se demander si un tel questionnement est bien pertinent. Une institution chacun pense savoir ce que c’est. Et l’idée de placer dans une même catégorie une assemblée parlementaire et une entreprise peut sembler parfaitement incongrue.

 

Cependant, le rapprochement n’est pas inintéressant. L’assemblée parlementaire est le lieu où par définition on produit des normes qui s’appliquent à la société tout entière, ou au moins à une partie, plus ou moins grande, d’entre elle.

 

De ce point de vue, l’entreprise ne peut être considérée comme une institution que si, d’une part, elle est une fraction représentative d’un ensemble qui les réunit quasiment toutes et si, d’autre part, elle énonce des normes originales susceptibles de s’appliquer également à la société tout entière, ou presque.

 

L’entreprise est une fabrique des normes sociétales

Ce cas de figure se rencontre-t-il ? On peut le penser. En effet, il en est ainsi chaque fois que l’entreprise fait donner force de loi à ce qu’elle estime lui être nécessaire. Bien sûr, elle n’intervient pas directement. En ce sens, on peut être tenté de dire que l’entreprise ne joue aucun rôle institutionnel.

 

Les entreprises font partie d’organisations professionnelles puissantes

Mais, en l’occurrence, pour parvenir à ses fins normatives, elle ne se prive pas d’utiliser les organisations qui la représente, ou plus indirectement encore, les acteurs politiques qu’elle peut influencer ou qui lui sont redevables, d’une manière ou d’une autre.

 

Autrement dit, l’entreprise, non seulement est devenue quelque chose de très organisé dans son domaine et dans lequel se retrouvent, de surcroît, la plupart des individus, selon des modalités largement partagées, mais encore, au fil du temps, elle a su également s’organiser pour agir au mieux de ses intérêts dans la sphère publique dont elle a été longtemps exclue.

 

Les entreprises maîtrisent les techniques d’influence

Exemple entre mille, les techniques d’influence mises au point, dans le premier tiers du XXème siècle, par Edward Bernays (13) pour fabriquer du consentement et bien développées depuis ont été parfaitement assimilées par elle.

 

150 ans après la mise au point des premiers schémas managériaux et face à la généralisation d’un modèle entrepreneurial quasiment unique à pratiquement toute forme d’organisation, on peut considérer que l’entreprise en corps constitue et fonctionne comme une institution pleine et entière.

 

Par suite, on ne peut espérer un changement d’ordre institutionnel, c’est-à-dire normatif, que si ce modèle évolue d’un management de guerre à un management apaisé.

 

 

En résumé, c’est quoi un management apaisé ?

On l’a dit plus haut, le modèle entrepreneurial actuellement dominant est un modèle né et développé dans un contexte particulier dont il a gardé toutes les caractéristiques.

 

Or tout change depuis l’arrivée du numérique et son omniprésence. Pour François Xavier de Vaujany, on assite même à une apocalypse managériale, titre du livre qu’il a publié aux éditions Belles Lettres (14).

 

Mais, apocalypse pour quel management ? Selon nous pour l’originel, le management « américanisé », le management guerrier.

 

Le management apaisé est un management rénové

Est-ce grave Docteur ? Pas vraiment. Car on peut imaginer un autre modèle. Le grand mérite de David Graeber, que l’on a déjà eu l’occasion d’évoquer, a été de rappeler que les modèles d’organisation sociale n’ont rien de définitif, ni de linéaire.

 

On peut dès lors partir du contexte tel qu’il est aujourd’hui, comme cela a été le cas au début du développement managérial, pour essayer de définir ce que pourrait être un modèle entrepreneurial mieux adapté à ce contexte dont nous avons décrit les excès auxquels conduisait le modèle entrepreneurial d’origine et que nous avons qualifié de blob management.

 

Or par un curieux soubresaut de l’Histoire, la digitalité promue par les Gafam US, devenus des mastodontes en dignes émules de leurs prédécesseurs industriels, est finalement l’occasion, si on veut bien y réfléchir, pour le management apaisé de devenir un modèle dominant à son tour.

 

A la lumière des différents éléments qui devraient caractériser un contexte entrepreneurial rénové, nous sommes en mesure de définir trois nouveaux axiomes sur lesquels devrait reposer une nouvelle idéologie du management et, par suite, induire un nouveau contexte entrepreneurial et de nouveaux modèles entrepreneuriaux, constitutifs d’un management apaisé.

 

Les trois axiomes d’un management apaisé

Ces trois axiomes sont les suivants :

  • Est efficace ce qui assure le meilleur rendement.
  • Mais, le rendement n’est pas que financier, il est aussi dans la pérennité de l’entreprise et la recherche du bien commun.
  • Enfin, est pris en considération tout ce qui contribue au développement des potentialités de chacun.

 

A partir de là, quelles sont les grandes lignes à suivre en termes de recrutement, de fonctionnement interne, d’organisation, d’environnement entrepreneurial et de valeur d’entreprise centrale, c’est ce que nous allons voir dans nos prochains posts. Cet ensemble nous l’avons appelé le K-Project.

 

  • (1) L’or du temps, François Sureau, Gallimard, 2020
  • (2)Pêcheur de perles, Alain Finkielkraut, Gallimard, 2023
  • (3)Leçon d’histoire sur l’entreprise de l’Antiquité à nos jours, Michel Drancourt, PUF, collection Major, 2002
  • (4)L’Amérique Empire, Nikola Mirkovic, Temporis, 2022, p.19
  • (5) Ibid, p. 255
  • (6) Michel Drancourt, op.cit., p.271
  • (7)Notre vagabonde liberté, Gaspard Koenig, Pocket, 2024, p. 36
  • (8)Les furtifs, Alain Damasio, Folio, 2021
  • (9)La survie des médiocres, Daniel S. Milo, Gallimard- Bibliothèque des Sciences Humaines, 2024.
  • (10)La société familiale Viellard Migeon et Cie, de Morvillars au monde (1996-2021), Pierre Lamard, Editions du Lion, 2021
  • (11) Ibid p.38
  • (12) Ibid p. 43
  • (13) Propaganda, comment manipuler l’opinion en démocratie, Edward Bernays, La Découverte-Zones, 2007
  • (14) Apocalypse managériale, François-Xavier de Vaujany,
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